LIEU

On peut dire d'une chose qui arrive, qu'elle a LIEU.

Ici, l'accident a déterminé "le lieu". Ce qui s'inscrit avec précision dans le paysage, c'est d'abord le point central sous la forme d'un "bouquet". Le cadre, ensuite, délimite l'espace à partir d'une distance unique adoptée pour l'ensemble des vues de la série LIEU.
Dans cette série, le rapport entre marqueur et paysage, entre voie et "sépulture", est singulièrement activé par le geste et l'intention commémorative qui s'exprime dans les petits dispositifs installés le long des routes : bouquets, croix, images précieuses, plaques gravées au nom du défunt, poèmes, photos, évocations commises des faits.
La dépouille cependant est ailleurs, on l'oublierait... mais c'est bien cette scénographie qui concentre le paysage. La narration est première et fait exister le LIEU. Car la coutume, les usages, généralement, attribuant, réservant aux morts un lieu spécifique : le cimetière.
Ici, pourtant un lieu nouveau s'arroge un pouvoir de véracité qui témoigne et renseigne "in situ". Le "lieu même" devient porteur de l'identité du disparu.

Sur le parcours quotidien des vivants et de loin en loin, de façon insistante, le paysage 'immuable" et stéréotypé est marqué. Un point dans l'espace, un centre humanisé acquiert un nouveau statut comme lieu de mémoire, de recueillement, d'attention. Ainsi l'anthropologie sociale et culturelle hérite-t'elle d'informations précises et d'une mise en images de rites et de lieux en relation avec l'instant et l'endroit du passage de la vie à la mort.
Et pourquoi, au-delà du constat photographique, ne pas s'interroger sur la dimension "auratique" de l'oeuvre ordinaire et de "l'art involontaire".

Série de 30 diptyques.